L’Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020 a été étendu par arrêté du 2 avril 2021, et publié au JO du 13 avril. Ce qui signifie qu’il s’applique officiellement à l’ensemble des entreprises appartenant à un secteur professionnel représenté par les organisations patronales signataires (MEDEF, CPME et U2P).
Voir l’Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020 étendu
PETIT HISTORIQUE…
Une énorme confusion est née autour de la prise en charge par l’employeur des frais nés du télétravail pendant la crise sanitaire…
Dans un « Questions-réponses » du 24 avril 2020 dédié au télétravail pendant la crise sanitaire, le ministère du travail déclarait officiellement : « Il y a lieu de considérer que l’employeur est tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail, destinée à rembourser au salarié les frais découlant du télétravail ».
Dans un nouveau « Questions-réponses » du 9 mai 2020, il se ravisait et annonçait : « l’employeur n’est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’entreprise est dotée d’un accord ou d’une charte qui la prévoit »
Depuis la signature de l’ANI du 26 novembre 2020, cette déclaration a été retirée de la page internet du site du ministère du travail…
FINALEMENT...
Les frais nés du télétravail doivent être pris en charge par l’employeur
Entre mai et novembre, de nombreux employeurs ont choisi de prendre au mot la réponse donnée par le ministère du travail, et, donc de refuser toute prise en charge des frais des télétravailleurs.
Cette position était juridiquement contestable mais la plupart des élus face à la déclaration assurée du ministère du travail ont préféré ne pas porter réclamation sur ce thème.
Aujourd’hui, maintenant que la publication gouvernementale a été supprimée et que l’ANI du 26 novembre 2020 a été étendu et publié, les employeurs n’ont plus d’excuses pour refuser la prise en charge de ces frais.
Frais réels ou allocation forfaitaire
S’il est désormais incontestable que l’employeur doit procéder au remboursement des frais nés du télétravail, reste la question des modalités de remboursement !
L’ANI du 26 novembre 2020 ne fournit pas le mode d’emploi.
Il ne précise pas si le remboursement des frais doit être effectué sur la base des frais réels, ou par le versement d'une allocation forfaitaire
Selon moi, l’employeur ne peut pas procéder à un remboursement au réel.
En effet, cela reviendrait à réaliser une étude énergétique par salarié !
Ainsi, pour mesurer la consommation de chauffage, il faudrait demander à chaque salarié : la surface de la pièce de son logement faisant office de bureau, son mode de chauffage (électricité, gaz, bois…)…
Ensuite, il faudrait procéder à un savant calcul prenant en compte le prix du kilowattheure (heures creuses/heures pleines) ou celui de la stère de bois, les mètres carrés, le temps de travail, la température extérieure pour chaque jour travaillé…
Concernant l’éclairage, il faudrait inventorier le nombre et la puissance des ampoules équipant la pièce du logement servant de bureau…
A mon sens, une telle démarche serait bien trop laborieuse, disproportionnée au regard des sommes en jeu et contestable puisqu’elle se ferait nécessairement sur une base déclarative… sauf à demander le bail ou l’acte de propriété de chaque salarié pour vérifier la surface du bureau à chauffer… Grotesque.
Aussi, à mon sens, seule une allocation forfaitaire est envisageable.
CSE & Évaluation des frais de télétravail
Il revient aux représentants du personnel d’aborder ce sujet en réunion du CSE.
L’ANI du 26 novembre 2020 prévoit d’ailleurs que « Le choix des modalités de prise en charge éventuelle des frais professionnels peut être, le cas échéant, un sujet de dialogue social au sein de l’entreprise. », et, notre ministre du travail, Elisabeth BORNE, a déclaré dans un tweet en date du 9 février 2021 : « La règle est claire : le télétravail ne doit pas représenter un coût pour le salarié. Les frais générés doivent être pris en charge par l'employeur selon des modalités discutées au sein de chaque entreprise, avec les représentants des salariés. »
Il faut d’ailleurs noter que l’article 3.1.5 relatif à la prise en charge des frais professionnels de l’ANI est étendu « sous réserve du respect du principe général de prise en charge des frais professionnels tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour de cassation (cass. soc, 25 février 1998, n° 95-44096) selon lequel la validation de l’employeur soit interprétée comme étant préalable, et non postérieure, à l’engagement des dépenses par le salarié. »
Ainsi l’employeur et les représentants du personnel sont invités à se réunir afin de déterminer ensemble le montant de l’allocation forfaitaire de télétravail.
Afin de nourrir la discussion, il est possible de se référer à diverses études énergétiques :
1. Des études par catégorie consistant à mesurer la consommation de différents appareils : chauffage/climatisation, PC portable, PC fixe, smartphone, imprimante, box internet, plaque de cuisson, cafetière…
2. Des études par foyer présentant la hausse de la consommation énergétique pour les foyers pendant les mois de confinement.
Lors de cette discussion, il faudra tenir compte des règles URSSAF.
Ainsi, il faut savoir que l’allocation forfaitaire de télétravail est exonérée de charges sociales dans la limite de 2,5 euros par salarié et par jour de télétravail, soit une exonération de 50 euros pour un mois de 20 jours de télétravail.
N’hésitez pas à me solliciter si vous souhaitez que je vous accompagne dans l’évaluation des frais de télétravail…
EN DISCUTANT…
Certains salariés font des économies en télétravaillant
En effet, si la pratique du télétravail génère des frais comme le chauffage de son logement, elle en supprime d’autres tels que ceux liés au déplacement des salariés (carburant du véhicule, péage, transports en commun…).
Ainsi, selon le trajet domicile-travail de certains salariés, le fait de ne plus utiliser son véhicule personnel peut largement compenser les frais nés du télétravail.
Néanmoins, l’ANI du 26 novembre 2020 ne prévoit pas la possibilité pour l’employeur de tenir compte de ces particularités, et, se contente d’inviter l’employeur à prendre en charge les dépenses engagées dans le cadre du télétravail.
Certains employeurs ont dû réaliser des investissements afin d’équiper leurs salariés en télétravail
(ordinateur, webcam, tablette, imprimante…).
Même si ces dépenses sont parfois conséquentes, elles n’exonèrent l’employeur de prendre en charge les frais nés du télétravail.
JURIDIQUEMENT….
Télétravail sur la base du volontariat
Mise en place : Accord collectif, charte ou accord de gré à gré offrant la possibilité de télétravailler un ou plusieurs jours par semaine.
Frais et indemnité : Remboursement des frais (internet, électricité…) sur la base des frais réels, ou par le versement d'une allocation forfaitaire
ANI du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail : 3.1.5. La prise en charge des frais professionnels : Le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur s’applique à l’ensemble des situations de travail. A ce titre, il appartient ainsi à l’entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur.
Télétravail imposé pour circonstances exceptionnelles ou cas de force majeure
Exemple : crise sanitaire COVID-19
Mise en place : « Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise »
Frais et indemnité : Remboursement des frais (internet, électricité…) sur la base des frais réels, ou par le versement d'une allocation forfaitaire
ANI du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail : 7.4.1. Organisation matérielle, prise en charge des frais professionnels et équipements de travail: Il est rappelé que l’article 3.1.5 du présent accord, relatif à la prise en charge des frais professionnels, s’applique également aux situations de télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou cas de force majeure.
Télétravail inhérent aux fonctions du salarié
Exemple : Commercial travaillant en tout ou partie depuis son domicile
Mise en place : « dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à disposition »
Frais et indemnité : Remboursement des frais (internet, électricité…) sur la base des frais réels, ou par le versement d'une allocation forfaitaire + versement d’une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles
Cass. Soc. 8 novembre 2017, n° 16-18.499, 16-18.498, 16-18.509 , 16-18.508, 16-18.506 et 16-18.494 + Cass. Soc. 5 avril 2018, 16-26.526 : Calcul de l’indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles en prenant en compte la surface allouée à l’activité (m2), la valeur locative du bien immobilier (voir dernier avis d’imposition), et, le temps d’occupation du domicile à des fins professionnels (% du temps de travail)
AUTRES
ANI sur le télétravail du 19 juillet 2005 étendu par arrêté du 30 mai 2006 : Article 7 Equipements de travail : «… L’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications…. »
Cass, soc., 19 sept. 2013, n° 12-15.137 : « les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; que la clause du contrat de travail qui met à la charge du salarié les frais engagés pour les besoins de son activité professionnelle est réputée non écrite »
Cass. soc., 9 janv. 2001, n° 98-44833 ; Cass. soc., 24 oct. 2001, n° 99-45068 ; Cass. soc., 10 nov. 2004, n° 02-41881 ; Cass. soc., 27 mai 2009, n° 07-42227 ; Cass. soc., 20 juin 2013, n° 11-23071 : Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils ne puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC.
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